Départementales 2015 - Bouches-du-Rhône : l'UMP aux aguets

Publié le par Belgat nazim

La droite provençale a une chance historique de prendre la main sur le conseil général au détriment d'un Parti socialiste en état végétatif.

Il est avec l'Hérault, le Gard ou la Drôme, l'un des territoires mordus avec le plus de gourmandise par la droite. Le département des Bouches-du-Rhône a, depuis la SFIO de Max Juvenal dans les années 1950, toujours été dirigé par la gauche. Quelques figures emblématiques, parmi lesquelles Jean-Noël Guérinidepuis 1998 et une mainmise sans partage du Parti socialiste, ont fait du "Bateau bleu", surnom donné au bâtiment du conseil général fait de verre et d'acier qui domine l'entrée des quartiers nord, une citadelle quasi imprenable à Marseille. Un vaisseau au budget colossal - 2,6 milliards d'euros pour deux millions d'habitants - et à l'endettement faible qui donne à son actuel président, démissionnaire du PS pour fonder "La Force du 13" il y a six mois, un pouvoir indéniable.

Investie par l'UMP depuis l'automne dernier, Martine Vassal pèse donc ses mots quand elle évoque "la chance historique" des départementales de mars. Jamais la droite n'ayant été aussi proche de faire basculer l'institution. L'élue marseillaise, adjointe de Jean-Claude Gaudin à l'Hôtel de Ville et chef du groupe d'opposition au conseil général, s'appuie, comme partout ailleurs, sur "un contexte national qui nous est favorable. Le gouvernement est incapable d'apporter des réponses efficaces à la crise. Et les partis de gauche qui se présentent sous diverses étiquettes ont tous appelé à voter Hollande en 2012", affirme-t-elle. À ses côtés, Arlette Fructus, présidente départementale de l'UDI, conserve les éléments de langage et sourit à l'idée d'avoir "trouvé les voies et moyens pour saisir la chance historique de faire basculer une institution majeure." Certes, les négociations ont duré, mais les centristes se taillent des cantons tout à fait prenables, à l'image de celui d'Aubagne.

Un PS à l'agonie

En scrutant de plus près sa terre de conquête, justement, Martine Vassal observe avec délectation une gauche qui, depuis les municipales de mars 2014, n'en finit plus de rendre des soupirs. À Marseille, la défaite de Patrick Mennucci a achevé de morceler une formation politique où les socialistes "historiques" ne sont réellement présents que dans quatre des douze cantons. "Nous allons faire de cette élection un laboratoire", glisse la députée Marie-Arlette Carlotti en encourageant ses jeunes candidats. Dans les quartiers nord, le député Henri Jibrayel, rare estampillé clairement PS, a vu débarquer Jean-Noël Guérini et son équipage sur le marché de l'Estaque le week-end dernier et sait qu'il devra lutter pied à pied pour conserver son fauteuil de conseiller général.

Même si elle craint de devoir céder un ou deux cantons au Front national dans les quartiers nord et pense que Jean-Noël Guérini conservera le sien près du Vieux-Port, Martine Vassal espère en emporter une petite dizaine sur les douze mis en jeu. Pour y parvenir, elle a investi plusieurs maires de secteur et les ténors de l'équipe Gaudin dans les binômes. Les mêmes qui, il y a un an aux municipales, ont conquis six des huit secteurs de la ville et récupéré les rênes de la communauté urbaine. Une petite armée de quadras et quinquas ambitieux qui veut faire de cette élection un tremplin avant de viser un siège de parlementaire. "L'ensemble de nos candidats sont contre l'immobilisme, l'affairisme et l'extrémisme", pointe la capitaine UMP. L'affaire semble donc en partie verrouillée à Marseille. Sur les 29 cantons des Bouches-du-Rhône, il en reste toutefois 17 au-delà des limites de la cité phocéenne. Là, les choses se corsent.

"Le programme de Guérini, c'est le chéquier"

Alors qu'une partie des candidats socialistes évite de placer le poing et la rose sur ses affiches électorales et assume sa fidélité à Jean-Noël Guérini (même si ce dernier a juré la mort du PS local), écologistes et communistes partent en solitaire ou dans des alliances locales de circonstance. Un micmac auquel s'ajoutent des maires sans étiquette oscillant selon les intérêts des leurs. Dans ce contexte qui favorisera évidemment la dispersion des voix à gauche, une bonne nouvelle pour la droite. Jean-Noël Guérini trouble pourtant le jeu et limite la casse en distribuant généreusement une aide aux communes qui s'élève à 130 millions d'euros en 2014. Y compris chez les maires sans étiquette, dont certains ont rejoint son mouvement. "Ce n'est pas une fatalité, la gauche, chez vous. Vous vous battez dans des territoires qui sont compliqués. Mais j'ai besoin de vous. Le seul programme de Guérini, c'est le chéquier", tente donc Martine Vassal auprès de ses candidats en bagarre sur les terres ancrées dans le rose de l'étang de Berre ou de la Camargue.

"Le conseil général peut attribuer des sommes considérables", insiste Jean-Claude Gaudin qui a toujours en travers de la gorge son match nul surprise aux sénatoriales avec Guérini en septembre dernier. "Il est clair qu'ici ou là, il y a un déséquilibre entre le candidat qui peut donner et celui qui ne peut pas. Même s'il le fait dans le cadre de la loi", poursuit-il. Ce vendredi, Martine Vassal est néanmoins allée plus loin, laissant planer des doutes sur la subvention du conseil général à hauteur de 45 000 euros à une association proche du président.

L'autre écueil pour la droite se nomme métropole. Votée en 2014 pour une application en janvier 2016, elle continue de diviser profondément les Bouches-du-Rhône. Cette fois, pas de parti politique qui compte, mais une réelle opposition entre la grande majorité des élus marseillais, favorables au texte gouvernemental que les parlementaires s'apprêtent à ratifier une nouvelle fois et les représentants des quelque 109 autres localités du département. La plupart sont farouchement contre, lui préférant une "coopération" sur des thèmes choisis. Rejouant la fable de "la cigale marseillaise" contre "les fourmis" qu'ils estiment être, ils dressent surtout, à l'image du maire UMP de Trets Jean-Claude Féraud lors d'une réunion publique, l'étendard "d'une ville en faillite, qui va nous priver de nos compétences : on va décider depuis Marseille d'implanter une aire pour les gens du voyage ou des logements sociaux à Trets".

"Une femme, ça saura faire le ménage"...

Des discours qui obligent Martine Vassal au jonglage permanent. "Arrêtons d'opposer Marseille aux autres communes, nous avons besoin des uns et des autres. Si leur programme se résume à dire de ne pas voter pour nous parce que je suis marseillaise, sachez que Jean-Noël Guérini habite deux rues en bas de chez moi. La métropole est votée, il faudra faire avec. Le rôle des maires reste fondamental, c'est le dernier rempart contre les extrêmes, parce que le citoyen doit avoir un interlocuteur élu et non un fonctionnaire." Entre grognements et avertissements sans frais, les élus locaux avancent avec prudence. "Une femme, ça saura faire le ménage, nous saurons travailler ensemble", souriait la maire UMP d'Aix Maryse Joissains le week-end dernier, masquant pour une fois ses acidités régulières contre Marseille et ses élus.

Comme les autres, elle pense aussi à ne pas se disperser alors que le Front national est donné partout en tête dans les sondages. La perspective de nombreux duels avec le parti de Marine Le Pen apparaît évidente. Et le départ, le 9 février, de Karim Herzallah et Caroline Gallo, deux conseillers municipaux UMP à la mairie des 13e et 14e arrondissements de Marseille, vers le parti d'extrême droite, a sonné comme un rappel. "Cela ne compte pas !" a bien tenté de minimiser Jean-Claude Gaudin. Mais Martine Vassal le sait. Même si elle parvient à dégager une majorité relative le 29 mars, après deux tours incertains, le troisième, celui qui mènera à la présidence du conseil général, le sera encore plus. Car miné par les risques de petites trahisons.

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